Parfaite de Carl Rocheleau
« Parfaite » est un roman des éditions de Mortagne, de la collection Tabou, traitant de la problématique des troubles de conduite alimentaire. Écrit par Carl Rocheleau1, un auteur que j’affectionne grandement, cette histoire se lit d’un coup, sans respirer! Ce récit d’un réalisme frappant est inspiré des expériences vécues par la sœur de l’auteur et par le témoignage de certaines personnes victimes de cette problématique.
SYNOPSIS
Annie a 14 ans. Adolescente (trop) responsable, étudiante modèle et cinéphile, elle vit sur une ferme avec ses parents et son petit frère Carl. Enfant, elle a vécu des événements tragiques qui sont très flous dans sa mémoire. Ils ont peut-être retrouvé l’homme qui a commis l’odieux. En parallèle, une amie lui fait remarquer qu’elle devrait probablement perdre un peu de poids. Sa tante y met du sien aussi: « My God! Annie, t’as donc ben pris du poids depuis Noël ». Une accumulation de gestes qui paraissent banaux font basculer sa vie. Un régime vers l’Enfer.
LES HAUTS
Un roman excessivement fluide, qui se lit d’une traite! Bien qu’on traite d’une problématique difficile, l’auteur sait rendre l’histoire captivante. Ayant oeuvrée brièvement en tant qu’intervenante psychosociale dans le domaine des troubles alimentaires, je trouve qu’il y a un très grand respect et une intelligence aiguisée dans la façon dont l’auteur traite de cette problématique délicate, exception faite, selon moi, du point qui sera abordé plus bas. Je crois que le récit est tout en nuances et qu’il pourrait amener des jeunes de plus de 16 ans à comprendre la problématique, à s’en méfier, puisqu’on y transmet bien le côté vicieux et sournois des troubles de comportements alimentaires. L’auteur a également été excessivement généreux de nous transmettre cette partie de l’histoire de sa famille, même si elle a probablement grandement été modifiée pour s’adapter à la fiction. On le sent. J’ai également beaucoup apprécié qu’à la fin, il y ait une post-face signé ANEB (un organisme spécialisé dans les troubles de conduite alimentaires) et une liste de ressources pertinentes pour les proches ou pour les victimes. C’est intelligent d’y avoir pensé et cela peut sauver des vies, j’en suis sûre. Finalement, les personnages sont attachants et foncièrement imparfaits, ce qui les rend quasi palpables. D’ailleurs, j’ai toujours trouvé que les personnages étaient la force de cet auteur que j’adore.
Voici quelques citations qui m’ont prise à la gorge:
« Qui suis-je pour souffrir de ce qu’elles racontent? Je ne suis personne.. Je suis un mannequin blanc, pâle dans sa vitrine de magasin, stable à travers le temps malgré sa silhouette fragile. »
« Il parle, crie, pleure, mais je ne l’entends pas. Je suis sous l’eau, cachée dans un scaphandre trop lourd pour que je puisse bouger. Moi qui pensais m’envoler, je me noie. »
« Tu es travaillante, persévérante et étonnante. Tu es éblouissante, tu illumines la pièce peu importe où tu entres. Tu es de ces personnes spéciales et uniques qu’on n’oublie jamais. »
LES BAS
Il n’y a qu’un seul point faible à ce récit selon moi. Mais il s’agit d’un point important. Je trouvais tout parfait (comme le titre du livre!), jusqu’au moment où l’auteur met l’accent sur l’indice de masse corporelle, comme s’il s’agissait d’une donnée bien différente du poids, qui, comme il le précise, est un simple chiffre qui ne devrait pas dicter notre existence. L’auteur avance également, avec raison et pertinence, que le poids ne spécifie pas le nombre de graisse dans le corps et que, pour une même grandeur, deux personnes peuvent avoir le même poids et des silhouettes bien différentes. En fait, avec l’IMC, on est dans le même bateau. L’IMC n’est que la relation entre la grandeur, le poids et le sexe de la personne. Il s’agit d’un indice facilement calculable. Il s’agit d’un chiffre, tout comme le poids, qui ne devrait pas dicter non plus l’existence des jeunes femmes du récit. Pourtant, une importance cruciale y est accordée dans l’histoire, à la toute fin. Et c’est à ce moment que vous me voyez un peu déçue. Je trouve qu’on envoie un drôle de message, en remplaçant un chiffre par un autre. J’en conviens, toutefois, que cela est peut-être « moins pire ».
APPRÉCIATION GÉNÉRALE
J’ai vraiment adoré ma lecture, bien que déçue par le petit élément soulevé ci-haut. Je recommande chaudement le livre à toutes personnes s’intéressant, ou étant touchées, de près ou de loin, par la problématique des troubles de conduite alimentaires. On y comprend beaucoup de chose et on y vit une tonne d’émotions. Bonne lecture!
1. Cet auteur a également écrit l’Aquilon publié par les éditions Six Brumes, et COBAYES Benoît par les éditions De Mortagne.
Salut ! D’abord, je souhaite te dire qu’il s’agit d’une très bonne critique, mais pour ce qui est du seul point négatif, je ne suis pas d’accord. Oui, l’IMC est un chiffre représentant la relation entre le poids et la grandeur d’une personne, mais selon moi, la présence de ce chiffre a une très grande importance dans l’état de santé d’Annie. Je m’explique.
Par exemple: Un poids reste un poids. Ton poids santé n’est pas le même selon ta grandeur, puisqu’une personne qui fait 4 pieds 10 et une qui fait 5 pieds 5 n’auront pas « la même santé » face à un 95 livres; la première fera face à un poids santé tandis que la deuxième sera en poids insuffisant.
L’IMC est le même pour tout le monde, peu importe ta grandeur et ton poids. S’il est bas, tu n’as pas de poids santé et c’est ce que représente ce chiffre en début de chapitre: ça démontre le fil qui menace d’éclater plus il s’amincit sur lequel Annie tente d’avancer sans tomber en bas, dans l’inconscience (et sans conscience aussi).
Je ne sais pas si c’est clair, mais j’ai essayé d’expliquer du mieux que je pouvais. Merci et bonne journée !
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Bonjour Kim ! Merci d’avoir pris le temps de rédiger ce commentaire =) ! De mon côté, je comprends bien l’IMC et vous avez raison qu’il est un bien meilleur référent que le poids. Ça reste toutefois un chiffre qui guide la conduite de la protagoniste et c’est ce que nous n’aimons pas ici. Toutefois, je suis bien d’accord avec vous : si ça peut aider à la guérison, au fond, c’est ce qui compte. Merci de nous suivre !!
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